jeunes gens, qui, après s’être connus à l’école, dans cette maison amie, continuaient à se voir et à s’aimer. Joseph et Sarah avaient encore les yeux gros de larmes, meurtris par toute une nuit de fièvre, sans une heure de bon repos ; et, comme ils s’étaient remis à sangloter, en parlant de leur père, Sébastien embrassa son amie Sarah, dans un élan irrésistible de son cœur, tandis que Louise prenait les deux mains de Joseph, pleurant elle-même, lui disant sa grande tendresse pour lui, avec la naïve pensée de le consoler un peu. Elle avait dix-sept ans et lui vingt.
Sébastien allait en avoir vingt et un, et Sarah dix-huit. Marc, qui les regardait, si frémissants de jeunesse, d’intelligence et de bonté, fut attendri. Une pensée lui vint, dont l’espoir bien doux l’avait effleuré déjà, devant leurs anciens jeux d’enfants. Pourquoi donc n’y aurait-il pas eu là des couples prédestinés, en germe pour l’heureuse moisson future, apportant leur cœur élargi et leur intelligence libérée à la grande besogne de demain ?
Si la visite de sa fille, l’espoir qu’elle lui apportait, venaient d’être pour Marc une source de délicieux réconfort, dans son amertume, il fut tout de suite repris d’accablement, les jours qui suivirent, au navrant spectacle de son pauvre pays empoisonné et déshonoré. Le crime des crimes avait donc été possible, et la France ne se soulevait pas ! Déjà, pendant la longue lutte de la révision, il n’avait plus reconnu en elle la généreuse, la magnanime, la libératrice et la justicière, dont il s’était fait jadis une si haute et si passionnée amante. Mais jamais il ne l’aurait jugée capable de descendre à ce point, d’être cette France sourde, dure, endormie et lâche, qui faisait son lit dans la honte et dans l’iniquité. Combien faudrait-il encore d’années et de générations pour la réveiller de cet abominable sommeil ? Un moment, il désespéra, il crut la patrie perdue, comme s’il avait