Page:Zola - Vérité.djvu/534

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n’en doutez pas, mon ami ! s’écria Salvan. Il ne faut jamais désespérer de notre pauvre et grand pays. Il peut être trompé et se tromper, il revient toujours à la vérité vraie, à la raison. Soyons contents de notre œuvre, elle est grosse du prochain avenir.

À son tour, il se tut, il eut un geste soucieux.

— Mais je pense au fond comme vous, notre victoire n’est pas pour demain. L’heure actuelle est vraiment abominable, jamais nous n’en avons traversé de plus trouble ni de plus menaçante. Et, justement, je vous ai prié de venir me voir, dans le désir de causer un peu de la situation inquiétante où nous sommes.

Alors, il le mit au courant de ce qu’il avait appris. Depuis l’arrêt de Rozan, tous les simonistes avérés, tous les braves compromis dans l’affaire, se trouvaient désignés à la vengeance de la congrégation, à la haine de la grande foule égoïste et lâche. Ils allaient payer durement dans leurs intérêts, dans leur personne, le crime de s’être mis à part, au nom de la vérité et de la justice.

— Le savez-vous ? Delbos n’est plus salué au Palais. On lui a retiré la moitié de ses dossiers, les clients le jugent trop compromettant. C’est toute sa situation à refaire, et le pis est qu’aux prochaines élections, il échouera certainement encore, le parti socialiste lui-même se trouvant coupé en deux par l’affaire… Quant à moi, je vais sauter probablement…

D’un cri de surprise et de désolation, Marc l’interrompit :

— Vous ! vous !

— Eh ! oui, moi, mon ami… Vous ne l’ignorez pas, Mauraisin convoite la direction de cette École depuis bien longtemps. Il n’a jamais manœuvré que pour m’en déloger et y triompher à ma place. Sa longue compromission avec l’Église était simplement une tactique savante, afin de se faire imposer par elle, le jour où elle serait victorieuse.