Page:Zola - Vérité.djvu/573

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meurtre, n’ayant plus qu’à sombrer dans un océan de boue ; le partage enfin du pays en deux camps, d’un côté l’ancienne société autoritaire, caduque et condamnée, de l’autre la jeune société de l’avenir, libérée déjà, allant toujours à plus de vérité, à plus de justice, à plus de paix. L’innocence de Simon reconnue, c’était le passé réactionnaire assommé d’un coup, c’était l’avenir joyeux apparaissant aux yeux des plus simples, enfin grands ouverts, À aucune époque, la hache révolutionnaire ne se serait abattue si profondément dans le vieil édifice social vermoulu. Tout un élan irrésistible aurait emporté la nation vers la cité future. En quelques mois, l’affaire Simon aurait plus fait pour l’émancipation du peuple et pour le règne de la justice que cent années d’ardente politique. Et la douleur d’avoir vu les faits gâter, briser entre leurs mains l’œuvre admirable, devait rester éternellement au cœur des combattants.

Mais la vie continuait, il fallait bien lutter encore, lutter toujours. Un pas était fait, d’autres pas restaient à faire. Au jour le jour, dans le réel amer et obscur le plus souvent, le devoir était de donner de nouveau son sang et ses larmes, quitte à gagner le terrain pouce à pouce, sans avoir la récompense d’assister jamais à la victoire. Marc acceptait ce sacrifice, n’espérant plus voir l’innocence de Simon reconnue légalement, définitive et triomphante pour le peuple tout entier. Il sentait l’impossibilité de reprendre l’affaire au milieu des passions du moment, certain d’un recommencement des atroces campagnes et d’un nouvel écrasement du juif, grâce à la déclaration de quelques-uns et à la lâcheté du plus grand nombre. Sans doute faudrait-il attendre la mort des personnages mis en cause, une transformation des partis, une autre heure politique, avant que le gouvernement osât saisir une seconde fois la Cour de cassation, pour effacer de l’histoire du pays cette abominable page. David et