Simon eux-mêmes en semblaient convaincus, enfermés là-bas dans leur exploitation des Pyrénées, toujours aux aguets d’une circonstance, d’une trouvaille heureuse, mais les mains liées par la situation, sentant bien la nécessité d’attendre, s’ils ne voulaient pas soulever encore un massacre inutile et dangereux. Et, dans cette attente forcée, Marc en revenait à sa mission, à l’œuvre unique en laquelle il mettait sa certitude, l’instruction des humbles et des petits, celle engendrée par la connaissance qui peut seule rendre un peuple capable de justice. Les quelques progrès obtenus, il les devait à son enseignement ; et les petits-enfants des enfants réaliseraient par le savoir un peu plus d’équité ; et les arrière-petits-enfants des petits-enfants seraient enfin peut-être assez libérés de l’erreur, assez justes, pour réparer le crime en glorifiant l’innocent. Une grande sérénité lui était venue, il acceptait que des générations fussent nécessaires, afin de tirer la France de son engourdissement, des poisons dont on l’avait gorgée, tout un sang nouveau qui referait d’elle la France de son ancien rêve, généreuse, libératrice et justicière.
La vérité, la vérité ! jamais il ne l’avait encore aimée si passionnément. Autrefois, il en avait le besoin comme de l’air qu’on respire, il ne pouvait vivre sans elle, tombant en souffrance, en une angoisse intolérable, dès qu’il ne la possédait plus. Maintenant, après l’avoir vue si furieusement combattue, niée, enfouie au plus profond du mensonge, ainsi qu’une morte qui ne se réveillerait pas, il croyait en elle davantage, il la sentait d’une façon irrésistible, capable de faire sauter le monde, le jour où l’on voudrait l’enfermer sous terre. Elle cheminait sans une heure de repos, elle marchait à son but de lumière, et rien ne l’arrêterait. Il haussait les épaules d’ironique dédain quand il voyait des coupables croire qu’ils avaient anéanti la vérité, qu’ils la tenaient sous leurs pieds,