Page:Zola - Vérité.djvu/588

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lorsque les garçons et les filles étaient partis, l’instituteur et l’institutrice se retrouvaient ensemble, dans leur étroit logement ; et ils causaient de ces enfants qui leur étaient confiés, se rendant compte de la besogne de la journée, et ils tombaient d’accord sur la besogne du lendemain, sans s’astreindre pourtant à des programmes semblables. Elle, sentimentale, croyait moins aux livres, s’attachait davantage à faire de ses fillettes des sincères et des heureuses, en ne les libérant de leur antique servage que par la raison et pour l’amour, dans la crainte de les jeter à l’orgueil et à la solitude. Lui, peut-être, serait allé plus loin, aurait nourri volontiers les filles et les garçons des mêmes connaissances, quitte ensuite à s’en remettre à la vie pour instruire chaque sexe de son rôle social. Leur grand regret fut bientôt de ne pouvoir diriger une école mixte, comme était celle de Mignot, au Moreux, où les deux cents et quelques habitants fournissaient à peine une douzaine de garçons et autant de filles. À Jonville, qui comptait près de huit cents habitants, l’instituteur avait une trentaine de garçons, l’institutrice une trentaine de filles. S’ils les avaient réunis, quelle belle classe cela leur aurait faite, Marc directeur, ayant Geneviève comme adjointe ! C’était là leur trouvaille, ne plus séparer les filles des garçons, et confier ce petit monde à un ménage, à un père et à une mère, qui les auraient instruits, élevés en tas, comme leur propre famille. Ils y voyaient toutes sortes de bénéfices, un apprentissage plus logique de l’existence, une émulation excellente, des mœurs plus franches et plus douces. L’introduction de la femme comme adjointe de son mari leur semblait surtout devoir être féconde en bons résultats. Eux dont un simple mur séparait les deux classes, ce qui leur paraissait un non-sens déplorable, quelle joie ils auraient eue à démolir ce mur, à ne plus avoir qu’une école, un petit monde complet, où il aurait mis sa virilité, où elle aurait apporté sa tendresse,