Page:Zola - Vérité.djvu/593

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aimée. Joulic était un grand garçon mince, blond, doux et énergique, le fils d’un petit employé qui s’était mis dans l’enseignement par goût, et pour échapper à l’abrutissante vie de bureau, dont il avait vu souffrir son père.

Un des meilleurs élèves de Salvan, il apportait à l’enseignement primaire un esprit libéré de tous les dogmes absurdes, entièrement acquis aux méthodes expérimentales. Et il réussissait beaucoup à Maillebois, grâce à beaucoup de finesse, à une fermeté tranquille qui s’imposait sans violence, en déjouant tous les pièges où la congrégation avait tenté de le faire choir. Il venait de se marier, il avait épousé la fille d’un instituteur, une petite blonde douce comme lui, qui avait achevé de faire de l’école une maison de gaieté et de paix.

Un dimanche, comme Marc arrivait, il trouva Joulic qui causait déjà avec Salvan, assis devant la table de pierre, sous le berceau fleuri de clématites et de roses. Et tous les deux s’égayèrent, quand ils l’aperçurent.

— Arrivez, arrivez donc, mon ami, cria Salvan. Voilà Joulic qui me conte comme quoi l’école des frères a encore perdu des élèves. On nous dit battus, nous travaillons dans le recueillement, et chaque année, notre action s’élargit et triomphe.

— Oui, confirma l’instituteur, tout va bien à Maillebois, qui semblait le bourg pourri du cléricalisme… Le frère Joachim, le successeur du frère Fulgence, est un homme fort habile, aussi souple et prudent que l’autre était extravagant et rude. Mais il ne peut vaincre la défiance des familles, tout un mouvement sourd d’opinion contre les écoles congréganistes, où les études sont médiocres et les mœurs inquiétantes. On a eu beau recondamner Simon, l’ombre monstrueuse de Gorgias revient dans ces classes qu’il a souillées, ceux mêmes qui l’ont défendu furieusement sont hantés de son crime. Et voilà comment