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Page:Zola - Vérité.djvu/607

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Sa claustration, sa vie murée, donnée entière aux pratiques religieuses, lui semblait une réparation nécessaire, dont elle serait récompensée par d’éternelles délices. Elle expiait ainsi le monstrueux péché de sa race, ces femmes coupables de libre esprit, qui, en trois générations, s’étaient échappées de l’Église, pour aboutir à la folie d’une religion de solidarité humaine. Et, voulant racheter cette apostasie d’une descendance maudite, elle mettait son farouche orgueil à s’humilier, à ne plus vivre que pour garder Dieu, dans le dégoût de son indignité sexuelle, avec l’unique désir de châtier son sexe condamné, en tuant le peu de la femme qui restait en elle.

Alors, elle y mit une ardeur si rude et si sombre qu’elle découragea les quelques prêtres et religieux, les seuls êtres qui la reliaient encore au monde vivant. Elle sentait bien le déclin de l’Église, elle entendait craquer le catholicisme, sous l’effort du siècle diabolique, dont elle s’était retirée, pour protester contre la victoire de Satan, comme si elle l’eût niée en n’y assistant pas. Peut-être son renoncement, ce qu’elle croyait être son martyre allait-il redonner de la vigueur aux soldats du Christ. Et elle les aurait voulus aussi ardents, aussi résolus et frénétiques, à son exemple, s’enfermant dans la rigidité des dogmes, portant le fer et le feu parmi les incrédules, aidant l’Exterminateur à reconquérir son peuple à coups de tonnerre. Elle n’était plus jamais satisfaite, elle trouvait le père Crabot, le père Théodose, le sombre abbé Coquard lui-même beaucoup trop tièdes. Elle les accusait de pactiser avec l’exécrable esprit mondain, d’achever de leurs propres mains la ruine de l’Église, en arrangeant Dieu au goût du jour. Elle leur dictait leur devoir, leur prêchait une campagne de franchise et de violence, la tête délirante, exaltée par la solitude, inassouvie toujours, malgré les pénitences dont ils l’accablaient. Et le père