Page:Zola - Vérité.djvu/608

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Crabot fut le premier qui se lassa de cette étrange pénitente, si dure pour elle-même à quatre-vingt-trois ans, si inquiétante par ses allures de prophétesse désespérée, dont l’intransigeance catholique était la condamnation du long effort de son ordre pour humaniser le Dieu terrible des massacres et des bûchers. Il espaça ses visites discrètes, il cessa de venir, estimant sans doute que la part d’héritage espérée pour Valmarie ne valait pas les dangers à courir avec une telle âme, en continuelle tempête. Puis, à quelques mois de distance, l’abbé Coquard le suivit, disparut à son tour, non par la crainte lâche d’être compromis, mais parce que chacun de ses entretiens avec la vieille dame devenait une bataille atroce. Lui, despotique et âpre comme elle, entendait garder sa toute-puissance de prêtre ; et, un jour, il se fâcha, il n’accepta plus de voir les rôles renversés, elle tonnant au nom de Dieu, lui reprochant son inaction, tandis que lui-même avait l’air d’un simple pécheur pris en faute. Et, pendant près d’une année encore, on ne vit plus, au crépuscule, que le froc du père Théodose se glisser dans la petite maison, muette et verrouillée, de la place des Capucins.

Sans doute, le père Théodose trouvait la modeste fortune de Mme Duparque bonne à prendre, car les temps étaient durs pour saint Antoine de Padoue. Il avait beau lancer de nouveaux prospectus, les troncs ne s’emplissaient plus, comme aux jours heureux où il avait eu le trait de génie de faire bénir par Mgr Bergerot la châsse contenant un os du saint. Alors, la loterie du miracle enfiévrait les foules, il n’y avait pas un malade, un paresseux, un pauvre, qui ne rêvât de gagner du ciel le bonheur, pour vingt sous. Maintenant, à mesure qu’un peu de vérité et de raison se répandait, par l’école, les clients devenaient rares, le bas commerce exploité à la chapelle des Capucins apparaissait dans son imbécillité honteuse. Un instant, l’autre coup de génie du père