Page:Zola - Vérité.djvu/611

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jardin seigneurial de sa maîtresse. Et le malheur arriva : un soir qu’elle avait dû introduire Polydor, le garnement ne l’assassina pas, mais il se rua sur tous les meubles, finit par éventrer la paillasse et se sauver, avec les dix mille francs ; tandis que Pélagie bousculée, tombée devant le lit, râlait de désespoir, en voyant s’en aller ainsi, aux mains d’un bandit de son sang, cet argent bénit que saint Antoine de Padoue devait faire fructifier en délices éternelles. Allait-elle donc être damnée, maintenant que les guichets de la loterie du miracle étaient fermés pour elle ? Elle en mourut deux jours plus tard, et ce fut le père Théodose qui trouva son corps déjà froid, dans la mansarde nue et sale où il était monté, surpris et inquiet de ne pas la voir. Il dut tout régler, déclarer le décès, s’occuper du convoi, s’inquiéter de la façon dont allait vivre maintenant la seule habitante de la petite maison close et morte, sans personne désormais pour la soigner et la servir.

Depuis plusieurs semaines, Mme Duparque était alitée, ses jambes ne la portant plus. Mais dans son lit, elle restait assise sur son séant, elle y était encore très droite, très grande, avec son long visage, coupé de profondes rides symétriques, à la bouche mince, au nez dominateur. Desséchée, n’ayant plus qu’un petit souffle, elle régnait encore despotiquement dans cette maison vide, silencieuse et noire, d’où elle avait chassé les siens, où venait de mourir la seule créature, la bête domestique qu’elle voulait bien tolérer. Et, lorsque le père Théodose essaya de causer avec elle, en revenant de l’enterrement de Pélagie, afin de connaître ses intentions, la façon dont elle comptait vivre désormais, il n’en obtint même pas de réponse. Il insista, très embarrassé, il proposa de lui envoyer une religieuse ; car, enfin, elle ne pouvait se soigner elle-même, faire son ménage et se servir, puisqu’il lui était impossible de descendre de son lit. Alors, elle