la place et rajeunît la nation. La bourgeoisie allait mourir, le peuple était nécessairement la grande France de demain, la libératrice, la justicière. Et il y eut comme une annonciation de ces choses dans le triomphe de la candidature de Delbos à Beaumont, l’avocat de Simon, si longtemps combattu, outragé, et qui n’avait recueilli jusque-là que les quelques voix socialistes, devenues peu à peu une majorité écrasante.
Une autre preuve de cette accession du peuple au pouvoir fut le complet revirement de Marcilly. Il avait fait autrefois partie d’un ministère radical ; puis, au lendemain de la recondamnation de Simon, il était entré dans un ministère modéré ; et, maintenant, il affichait des professions de foi violemment socialistes, il venait de réussir à se faire nommer encore, en s’attelant au char de triomphe de Delbos. D’ailleurs, dans le département, la victoire restait incomplète, le comte Hector de Sanglebœuf était réélu, lui aussi, comme réactionnaire intransigeant, grâce à ce phénomène des temps troublés, où seules l’emportent les opinions extrêmes, franches et nettes. Ce qui demeurait sur le carreau, à jamais, c’était cette ancienne bourgeoisie libérale, que l’égoïsme et la peur rendaient conservatrice, désormais dévoyée, effarée, sans logique, ni force, mûre pour la chute. Et la classe montante, l’immense foule des déshérités d’hier, allait naturellement prendre sa place, une place qui lui était due, après avoir balayé, d’un dernier effort, les quelques défenseurs entêtés de l’Église.
Mais, surtout, l’élection de Delbos était le premier succès éclatant d’un de ces sans-patrie, d’un de ces traîtres, qui avaient affirmé publiquement l’innocence de Simon. Après l’arrêt monstrueux de Rozan, tous les simonistes en vue, frappés d’impopularité, avaient souffert dans leurs personnes et dans leurs intérêts, du crime d’avoir voulu la vérité et la justice. Les injures, les persécutions,