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Page:Zola - Vérité.djvu/620

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les exécutions sommaires s’étaient acharnées contre eux. C’était Delbos, que pas un client n’osait plus charger de plaider un affaire, c’était Salvan cassé, mis à la retraite, c’était Marc tombé en disgrâce, envoyé dans une petite commune ; et derrière ceux-là, les plus connus, que d’autres, leurs parents, leurs amis, payaient par de grands ennuis, par la ruine même, leur simple attitude de braves gens ! Depuis des années, sous la muette douleur de cette aberration publique, sentant bien l’inutilité de toute révolte, ils s’étaient remis héroïquement à l’œuvre, ils attendaient l’heure inévitable de la raison et de l’équité. Et cette heure semblait venir enfin, voilà Delbos, un des plus engagés dans l’affaire, qui battait Lemarrois, dont la politique lâche avait longtemps consisté à ne se prononcer ni pour ni contre Simon, dans la terreur de n’être pas réélu. L’opinion avait donc changé, n’était-ce pas là une preuve de la grande étape franchie ? Salvan eut, lui aussi, une consolation : on nomma directeur de l’École normale un de ses anciens élèves, après en avoir presque chassé Mauraisin, coupable d’incapacité notoire ; et la joie fut grande pour le sage, dans son petit jardin fleuri, non pas de triompher de son adversaire, mais de savoir son œuvre maintenant entre les mains d’un fidèle et d’un brave. Un jour enfin, Le Barazer, ayant fait venir Marc, lui offrit une direction à Beaumont, se sentant à présent la force de réparer l’injustice ancienne. De la part de l’inspecteur d’académie, diplomate prudent, cette offre était à tel point significative, que Marc en fut très heureux ; mais il refusa, il ne voulait pas quitter Jonville, où sa besogne n’était pas finie. Enfin, c’étaient encore toutes sortes de signes avant-coureurs. Le préfet Hennebise venait d’être remplacé par un préfet de haute raison, très énergique, qui tout de suite avait demandé la révocation du proviseur Depinvilliers, sous la direction duquel le lycée était devenu une sorte de petit séminaire.