Page:Zola - Vérité.djvu/646

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dévorateur d’enfants, avait mis de tendresse ardente dans sa voix cassée, en parlant de Polydor. D’ailleurs, il n’eut pas le temps de s’attarder à cet enfer entrevu, le défroqué continuait, en se rapprochant violemment de lui :

— Alors, écoutez-moi bien, monsieur Froment, j’en ai assez, je suis venu pour tout vous dire… Oui, si vous me promettez de m’écouter comme un prêtre m’écouterait, je viens vous dire la vérité, la vraie vérité, cette fois. Vous êtes le seul homme à qui je puisse faire cette confession sans qu’il en coûte rien à ma dignité ni à mon orgueil, car vous avez toujours été un adversaire désintéressé et loyal… Recevez donc mes aveux et engagez-vous seulement à me les tenir secrets, jusqu’au jour où je vous permettrai de les rendre publics.

Vivement, Marc l’interrompit.

— Non, non, je ne veux pas prendre un tel engagement. Ce n’est pas moi qui ai provoqué vos confidences, vous êtes venu ici de vous-même, vous me racontez ce qu’il vous plaît. Si vraiment vous me mettez en main une vérité, j’entends rester maître d’en faire usage suivant ma conscience.

Il y eut une hésitation à peine.

— Eh bien ! soit, c’est à votre conscience que je me confie.

Mais le frère Gorgias ne parla pas tout de suite, le silence recommença. Dehors, la pluie ruisselait toujours le long des vitres, et de grands coups de vent hurlaient dans les rues désertes ; tandis que la flamme de la petite lampe, immobile et droite, filait un peu, au milieu des vagues ombres de la salle endormie. Peu à peu, pris de malaise, souffrant de tout ce que la présence de cet homme éveillait en lui de trouble et d’abominable, Marc avait tourné un regard inquiet vers la porte, où il savait que Geneviève devait être restée. Entendait-elle ? et quel