Page:Zola - Vérité.djvu/647

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malaise aussi pour elle que toute cette boue ancienne ainsi remuée !

Après s’être tu un long temps, désireux de donner à son aveu une solennité plus grande, le frère Gorgias leva dramatiquement la main vers le ciel ; puis, lorsqu’il eut pris un temps encore, il déclara d’une voix lente et rude :

— C’est vrai, devant Dieu je l’avoue, je suis entré dans la chambre du petit Zéphirin, le soir du crime.

Bien que Marc attendît avec beaucoup de scepticisme l’aveu annoncé, certain d’avance d’un nouveau mensonge, il ne put retenir un grand frisson, il se leva en une sorte d’horreur involontaire. Mais déjà l’homme le faisait rasseoir d’un geste apaisé.

— J’y suis entré, ou plutôt je me suis accoudé, du dehors, à l’appui de la fenêtre, mais cela vers dix heures vingt, avant le crime. Et c’est ce que je veux vous conter, pour soulager ma conscience… À la sortie de la chapelle des Capucins, dans la nuit noire, je m’étais chargé de reconduire justement le petit Polydor chez son père le cantonnier, sur la route de Jonville, par crainte de quelque malheur. On était sorti de la chapelle à dix heures, et dix minutes pour aller, dix minutes pour revenir, vous voyez bien qu’il devait être dix heures vingt… Alors, comme je repassais devant l’école, en traversant l’étroite place déserte, je fus surpris d’apercevoir la fenêtre du petit Zéphirin grande ouverte, vivement éclairée. Je m’approchai, je vis le cher enfant déshabillé, en chemise, qui s’amusait à ranger des images pieuses, les cadeaux de ses camarades de première communion ; et je le grondai de n’avoir pas fermé sa fenêtre, car elle était de plain-pied avec le pavé, le premier passant venu pouvait d’un saut, entrer chez lui. Mais il riait gentiment, il se plaignait d’avoir trop chaud, la nuit orageuse était en effet brûlante, comme vous devez vous en souvenir..