Page:Zola - Vérité.djvu/693

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— Arrivez, arrivez donc, je ne puis plus en venir à bout. En voilà une gourmande !

Et ce fut sa petite-fille Lucienne, la raisonnable personne de sept ans, qui l’aida, en veillant sagement sur sa petite-cousine, car elle faisait volontiers la ménagère, très maternelle déjà avec ses poupées. On but au retour prochain de Simon, et dix heures sonnaient, comme l’heureuse famille disait encore son allégresse, oubliant les trains qui devaient remmener les uns à Beaumont, les autres à Jonville.

Dès lors, les événements heureux marchèrent avec une rapidité inespérée. Le projet d’Adrien, soumis au conseil municipal, fut voté à l’unanimité des voix, ainsi que le désirait sagement Léon Savin, le maire. La belle et franche inscription, qui devait dire le vœu des donateurs, ne trouva même pas un opposant. Et il y eut, pour ce résultat, si prompt, si général, une aisance extraordinaire, sans que les promoteurs de l’idée eussent besoin des démarches, des plaidoyers, qu’ils avaient cru d’abord nécessaires. C’était que l’idée, formulée par eux, existait déjà en germe chez tous : un remords du passé, une inquiétude de l’iniquité encore saignante, un besoin invincible de guérir la plaie, pour l’honneur de la population. Tous sentaient maintenant l’impossibilité d’être heureux en dehors de la solidarité civique, car un peuple n’a du bonheur durable que lorsqu’il est juste. Aussi, les listes de souscription se couvrirent-elles en quelques semaines. Comme la somme demandée était relativement faible, une trentaine de mille francs, la municipalité ayant donné le terrain, on mit une coquetterie à souscrire par deux francs, trois francs et cinq francs au plus, afin d’avoir un plus grand nombre de souscripteurs. Le petit peuple, les ouvriers du faubourg, les paysans des environs, versèrent des dix sous et des vingt sous. Tout de suite, dès la fin de mars, les travaux commencèrent. On