Page:Zola - Vérité.djvu/697

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l’affaire, dont tout le monde causait autour d’eux. Il bavait, il bégayait :

— Dis donc, vieux frère, le modèle d’écriture… Hein ? le modèle d’écriture… C’était moi qui l’avais chipé, je l’avais sur moi, et j’ai eu la bêtise de te le rendre, quand tu m’as reconduit… Ah ! ce fichu modèle d’écriture !

Un éclair brusque venait d’illuminer Marc. Maintenant, il possédait toute la vérité. L’unique lacune dont il avait encore parfois le tourment, venait de se combler. C’était ce modèle, repris le soir même à Polydor, que Gorgias avait dans la poche, et qui s’était trouvé mêlé à un numéro du Petit Beaumontais, lorsque, bouleversé, terrifié par les cris de sa victime, il avait cherché un mouchoir, un tampon quelconque, pour en faire un bâillon.

— Mais, tu sais, vieux frère, bégaya encore Polydor, on s’aimait bien, on ne disait ses affaires à personne… Hein ! tout de même, si j’avais bavardé ! Ah ! tu vois la tête de la tante Pélagie !

Et il ricanait, hébété, ignoble, sans avoir même conscience des gens qui l’entouraient, tandis que Gorgias se tournait à peine, pour lui jeter des regards de mépris, où demeurait comme une caresse d’amour tendre. Mais il dut comprendre que Marc avait entendu l’aveu involontaire de l’ivrogne, et il fit taire celui-ci, d’une voix basse et rude.

— Tais-toi, sac à vin ! tais-toi, pourriture ! Tu sues ton péché et le mien, tu m’as encore damné, dans ton ignominie de tout à l’heure ? Tais-toi, immonde chair, et c’est moi qui parlerai, oui ! je crierai ma faute, pour que Dieu me pardonne !

Puis, s’adressant à Marc, qui écoutait toujours, saisi et silencieux :

— Vous avez entendu, n’est-ce pas ? monsieur Froment et il faut que tous entendent. Voilà assez longtemps que je suis brûlé par le besoin de me confesser aux