causait uniquement de l’extraordinaire histoire qui surgissait du passé obscur, cette condamnation d’un innocent, devenue abominable, inexplicable aux yeux des générations nouvelles ; et c’était, chez les jeunes, un long cri de stupeur indignée, tandis que les vieux, les témoins de l’iniquité, essayaient de se défendre avec des gestes vagues, des explications honteuses. Maintenant que la vérité éclatait dans la splendeur du jour, avec une force de certitude invincible, les enfants, les petits-enfants n’arrivaient pas à comprendre comment les pères et les grands-pères avaient pu pousser l’aveuglement stupide, l’égoïsme méchant, jusqu’à ne pas voir clair en une affaire d’une simplicité pareille. Sans doute, beaucoup de ceux-ci partageaient aujourd’hui leur étonnement, ne s’expliquant plus eux-mêmes l’état de crédulité où ils étaient tombés. Et c’était leur meilleure réponse, il avait fallu vivre dans ces temps-là pour se rendre compte de la puissance du mensonge sur l’ignorance. Un vieillard faisait amende honorable, un autre racontait comment il avait hué Simon, le jour de son arrestation, et comment il l’attendait là depuis deux heures, pour l’acclamer, ne voulant pas mourir avec sa vilenie sur la conscience ; et un jeune garçon, son petit-fils, lui sautait au cou, l’embrassait avec de grands rires, ému jusqu’aux larmes. Marc, délicieusement touché continuait à se promener à petits pas, regardant et écoutant toujours.
Mais, tout d’un coup, il s’arrêta. Il venait de reconnaître Polydor, vêtu de loques, la face ravagée, ivre encore d’une nuit crapuleuse ; et il resta saisi, en apercevant à son côté le frère Gorgias, vêtu de noir comme toujours, une vieille redingote graisseuse qu’il portait sans linge, collée à sa peau noire. Mais lui, muet, farouche, n’était pas ivre, redressé dans sa maigreur tragique, promenant sur la foule des yeux de flamme. Et Marc entendit que Polydor, avec un entêtement stupide d’ivrogne, le plaisantait sur