humble, le plus misérable des pécheurs, et c’est Dieu qui veut ici mon expiation et la sienne.
Âprement, il continua, il accusa tous ses supérieurs, le père Crabot en tête, d’être des catholiques dégénérés, des jouisseurs et des poltrons. L’Église mourait de leur lâcheté, de leurs accommodements avec les mollesses et les vanités du monde. C’était sa thèse favorite que le véritable esprit religieux avait déserté ces moines, ces prêtres, ces évêques, qui, auraient dû faire régner Jésus par le fer et le feu. La terre et les hommes appartenaient à Dieu seul, et Dieu les avait donnés à son Église, déléguée souveraine de son pouvoir. Elle devait avoir par là même la possession de tout, puissance totale sur toutes les choses et sur tous les êtres. Elle disposait des richesses, il ne pouvait exister de riches que par sa permission. Elle disposait de la vie elle-même, chaque homme vivant était son sujet, qu’elle laissait vivre ou qu’elle supprimait, selon l’intérêt du ciel. Telle était la doctrine dont les vrais saints ne s’étaient jamais écartés.
Lui, dans son humilité de simple ignorantin, l’avait toujours pratiquée, exaltée, et ses supérieurs, malgré leurs autres torts à son égard, lui reconnaissaient encore le mérite devenu rare d’avoir l’esprit religieux absolu ; tandis qu’eux-mêmes, les Crabot, les Philibin, les Fulgence avaient perdu la religion par leurs compromis, en voulant ruser avec les libres penseurs, les juifs, les protestants et les francs-maçons. Peu à peu, en opportunistes désireux de plaire, ils abandonnaient des dogmes, ils dissimulaient la rudesse de la doctrine, lorsqu’ils auraient dû combattre l’impiété à visage découvert, égorger, brûler les hérétiques. Et lui-même rêvait d’un bûcher immense, dressé en plein Paris, où il aurait jeté toute la nation coupable, pour que la flamme et l’odeur de ces millions de corps pussent monter jusqu’au ciel rouge, en une gerbe immense, réjouir et apaiser Dieu.