Page:Zola - Vérité.djvu/726

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Son sang s’était glacé, sans qu’il sût pourquoi. Une terreur passait, venue de loin. Et il finit par apercevoir, debout dans l’ombre, un homme qu’il reconnut pour être un nommé Marsoullier, neveu pauvre de l’ancien maire Philis, et qui était bedeau à l’église Saint-Martin, où un groupe de fidèles entretenait encore un curé.

— Qu’est-ce donc ? répéta-t-il, surpris de le voir gesticuler et parler seul.

Marsoullier le reconnut à son tour.

— Mais je ne sais pas, monsieur Froment, bégaya-t-il, l’air terrifié lui-même. Je passais, je venais de la place des Capucins, lorsque j’ai entendu des cris d’enfant, étranglés par la peur ; et, comme je me hâtais d’accourir, j’ai entrevu un homme qui se sauvait au galop, tandis que, par terre, gisait ce petit corps… Alors, j’ai crié aussi.

En effet, Marc distinguait maintenant par terre une forme pâle, sans mouvement. Un soupçon lui vint, n’était-ce pas ce Marsoullier qui avait voulu violenter cet enfant ? d’autant qu’il lui voyait à la main un objet blanc, un mouchoir.

— Et ce mouchoir que vous tenez là ? demanda-t-il encore.

— Ça, c’est un mouchoir que je viens de ramasser près de la victime. Sans doute l’homme a voulu étouffer ses cris, et il aura perdu ça en se sauvant.

Marc n’écoutait plus. Il s’était vivement penché sur le petit corps ; et brusquement, une exclamation d’affreuse douleur lui échappa.

— Rose ! notre petite Rose !

La victime était la délicieuse fillette, qui, aux bras de sa cousine Lucienne, avait offert un bouquet à Simon triomphant, il y avait dix ans déjà. Elle avait grandi en beauté, en charme, d’un clair visage troué de fossettes, toujours souriant, dans un envolement de fins cheveux