Page:Zola - Vérité.djvu/727

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

blonds. Le crime se reconstituait aisément : le retour de l’enfant à la nuit tombante, par cette place déserte ; quelque bandit qui la guettait et qui, surpris, saisi de peur, l’avait jetée là, après l’avoir brutalisée. Évanouie, comme morte, elle ne bougeait toujours pas, dans sa petite robe blanche à fleurettes roses, une robe de fête que sa mère lui avait permis de mettre pour aller voir son amie.

— Rose, Rose ! appelait Marc, affolé. Pourquoi ne me réponds-tu pas, ma mignonne ? Un mot, dis-moi un mot seulement.

Et il la touchait avec douceur, de crainte de la faire crier, n’osant pas encore la soulever du sol. Et il se parlait à lui-même.

— Elle n’est qu’évanouie, je l’entends qui respire. Mais je crois bien qu’elle a quelque chose de cassé… Ah ! le malheur s’acharne, nous voilà retombés dans l’atroce souffrance.

Un effroi indicible l’avait envahi, comme si tout le terrible passé renaissait. Là, sous cette fenêtre tragique, près de cette chambre où le misérable Gorgias avait souillé et tué le petit Zéphirin, voici qu’il trouvait son arrière-petite-fille, sa Rose bien-aimée, une adorable petite femme de douze ans, violentée elle aussi, blessée, n’ayant dû son salut qu’à l’arrivée fortuite d’un passant. Qui donc avait voulu ce recommencement effroyable ? et quelle nouvelle et longue série d’angoisses annonçait un pareil crime ? Comme en un fulgurant éclair, à cette minute horrible, il vit se dérouler sa vie, il revécut toutes ses luttes et toutes ses souffrances.

Cependant, Marsoullier était resté là, le mouchoir à la main. Il finit par le mettre dans sa poche, l’air très gêné, en homme qui ne disait pas tout et qui aurait bien voulu, ce soir-là, n’avoir pas traversé cette place.

— Il vaudrait mieux de pas la laisser là, monsieur Froment,