Page:Zola - Vérité.djvu/728

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dit-il enfin. Vous n’êtes pas assez fort, vous. Mais, si vous le voulez, je vais la prendre sur mes bras, et je la porterai chez sa maman, qui est à deux pas.

Marc dut accepter. Il suivit le bedeau qui, les reins et les bras solides, avait doucement soulevé Rose, sans la tirer de son évanouissement. On arriva ainsi chez la pauvre mère, et quelle affreuse secousse, cette enfant bien-aimée, sa seule joie désormais, qu’on lui rapportait sans connaissance, toute pâle, dans sa robe claire, avec ses beaux cheveux dénoués. La robe était en morceaux, des cheveux arrachés restaient pris à la dentelle de la collerette. La lutte devait avoir été terrible, car les mains tordues portaient des traces de meurtrissures, et le bras pendait, comme cassé.

Thérèse, éperdue, répétait en un continuel cri, étranglé par les larmes :

— Rose, ma petite Rose ! on m’a tué ma petite Rose.

Vainement, Marc lui faisait remarquer qu’elle respirait, qu’elle n’avait pas sur elle une goutte de sang. Marsoullier avait monté la fillette pour la poser sur un lit. Et, tout d’un coup, elle ouvrit les yeux, elle regarda autour d’elle, avec une terreur indicible. Puis, elle bégaya, grelottante :

— Oh ! maman, oh ! maman, prends-moi, cache-moi, j’ai peur !

Saisie de la voir ressusciter, Thérèse était tombée assise sur le lit, l’enveloppant de ses bras, la gardant contre sa poitrine, brisée par l’émotion, au point de ne plus trouver une parole. Mais, après avoir prié l’adjointe, qui se trouvait là, de courir chercher un médecin, Marc, bouleversé devant tant d’inconnu, voulut savoir tout de suite.

— Ma chérie, que t’est-il donc arrivé, peux-tu nous dire ?

Rose le regarda un instant, comme pour le reconnaître,