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Page:Zola - Vérité.djvu/731

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— Non, pas trop, mère… Le bras seulement me brûle, et il pèse très lourd à mon épaule.

À demi-voix, Thérèse continua, essayant à son tour de confesser sa fille, dans l’inquiétude anxieuse où la laissait le mystère de l’attentat. Cet homme, qu’avait-il voulu, qu’avait-il fait, pourquoi s’était-il jeté sur cette enfant ? Mais, à chaque question, Rose s’affolait de nouveau, fermant les yeux maintenant, s’enfonçant la tête dans l’oreiller, comme désireuse de ne plus voir et de ne plus entendre. Elle frissonnait surtout, lorsque sa mère insistait, la suppliait de lui dire si elle ne connaissait pas l’homme, si elle ne le reconnaîtrait pas. Et, tout d’un coup, elle éclata en gros sanglots, éperdue, délirante, et elle lui confia tout, d’une voix haute et déchirée, croyant peut-être lui parler à l’oreille, pour elle seule.

— Oh ! mère, mère, j’ai tant de chagrin !… Je l’ai bien reconnu, c’est père qui m’attendait là et qui s’est jeté sur moi.

Frappée de stupeur, Thérèse se releva.

— Ton père ! que dis-tu là, malheureuse enfant ?

Marc, frémissant, avait entendu, ainsi que Marsoullier d’ailleurs. Et il s’était rapproché, avec un geste de violente incrédulité.

— Ton père ! c’est impossible… Voyons, voyons, ma chérie, tu as rêvé cela.

— Non, non, père m’attendait derrière l’école, je l’ai bien reconnu, à cause de sa barbe et de son chapeau… Il a tenté de me prendre, et comme je n’ai pas voulu me laisser emporter, il m’a jetée par terre, après m’avoir tordu les bras.

Et elle s’entêta dans ce récit, malgré la fragilité des preuves. L’homme n’avait pas prononcé une parole, elle ne parlait toujours que de la barbe et du chapeau, car elle ne se souvenait de rien autre, pas même du visage, caché dans l’ombre. Mais c’était son père, elle semblait hantée