Page:Zola - Vérité.djvu/748

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— Mère, tu as été la plus méritoire, la plus brave, car c’est toi qui as combattu et qui as souffert. Nous te devons la victoire, payée de tant de larmes… Je me souviens. En venant après toi, je n’ai pas eu grand mérite à me dégager tout à fait du passé, et si j’ai été très calme, très raisonnable, si jamais le frisson de l’erreur ne m’a troublée, c’est que j’ai profité de la terrible leçon dont nous avons saigné tous, dans notre pauvre maison en deuil.

— Tais-toi, flatteuse ! dit Geneviève, riant et l’embrassant à son tour. C’est toi qui as été l’enfant sauveur, la petite raison, solide et adroite, dont l’intervention tendre a triomphé de tous les obstacles. Nous te devons notre paix, tu as été la première petite femme libérée, une intelligence et une volonté, résolue à mettre le bonheur en ce monde.

Alors, Marc reprit la parole, en se tournant vers Thérèse.

— Ma chère enfant, tu n’étais pas née, et tu ignores ces choses. Toi qui es venue après Louise, qui es encore plus affranchie, exempte de tout baptême, de toute confession et de toute communion, tu trouves très simple de vivre librement, en personne qui a son existence propre, sans autres liens que sa raison et sa conscience, dégagées des mensonges religieux et des préjugés sociaux. Mais, pour que tu en arrives là, les mères, les grand-mères ont passé par des crises affreuses, les pires folies et les pires tourments… Comme pour toutes les questions sociales, la solution unique était dans l’enseignement. Il a fallu instruire la femme, afin de lui donner près de l’homme sa place légitime d’égale et de compagne. Et c’était là une nécessité première, la condition du bonheur humain, car la femme libérée pouvait seule libérer l’homme. Tant qu’elle a été la servante, la complice du prêtre, un instrument de réaction, d’espionnage et de querelle dans le ménage, l’homme se trouvait enchaîné