Page:Zola - Vérité.djvu/81

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— Nous en vendons, monsieur Froment, et j’ai cherché déjà, parmi ceux que nous avons en magasin… Aucun, il est vrai, ne porte les mots : « Aimez-vous les uns les autres ».

À ce moment, Sébastien, qui écoutait attentivement, leva la tête.

— Moi, j’en ai vu un pareil, mon cousin Victor en avait rapporté un de chez les frères, où il y avait ça.

La mère resta stupéfaite.

— Que dis-tu ? mais tu ne m’en as pas parlé !

— Bien sûr, tu ne me demandais pas. Puis, Victor m’avait défendu de rien dire, parce que c’est défendu, d’emporter les modèles.

— Alors, où est-il, celui-là ?

— Ah ! je ne sais pas. Victor l’a caché quelque part, pour ne pas être grondé.

Marc suivait la scène, saisi, dans une joie vive, le cœur battant d’espoir. Est-ce que la vérité allait naître enfin, de la bouche de cet enfant ? Cela pouvait être le faible rayon qui, peu à peu, s’élargit, resplendit en une éclatante lumière. Et il posait déjà des questions nettes et décisives à Sébastien lorsque Mme  Édouard, accompagnée de Victor, rentra d’une visite qu’elle était allée faire justement au frère Fulgence, sous le prétexte d’un règlement de fourniture.

Plus grande encore que sa belle-sœur, Mme  Édouard était brune et d’aspect viril, avec une grosse face carrée, le geste brusque, le verbe haut. Bonne femme au fond, honnête à sa manière, elle n’aurait pas fait tort d’un sou à son associé, sur qui elle pesait de toute sa domination. Elle était l’homme dans leur ménage, et l’autre n’avait pour se défendre que sa force d’inertie, sa douceur même, dont elle usait pendant des semaines, des mois, ce qui finissait souvent par lui donner la victoire. Et Victor était aussi, à neuf ans, un gros garçon carré, la tête forte et