Page:Zorrilla - Don Juan Tenorio, trad. Curzon, 1899.djvu/230

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sais quoi de grand qui m’épouvante. — (Un moment de silence.)

Jamais mon orgueil ne conçut qu’il pût rien y avoir au-dessus du courage !… J’ai cru que l’âme s’anéantit avec le corps, quand on meurt ;… et aujourd’hui, mon cœur hésite. — Jamais je n’ai cru aux fantômes !… rêveries !… et de ce fantome-ci, en dépit de ma force, je sens les pieds de pierre marcher, partout où je vais, derrière les miens. — Oh !… Et un pouvoir mystérieux m’entraîne, irrésistible, à cette place…

(Il lève la tête et voit que la statue de Don Gonzalo n’est pas sur son piédestal).

Mais, que vois-je ! sa statue manque ici !… Songe horrible, laisse-moi donc une fois pour toutes !… Non, je ne crois pas à toi ! Va-t’en ; fuis de mon esprit fasciné, illusion prophétique… En vain tu t’opiniâtres, par de puériles terreurs, à pousser à bout ma valeur surhumaine. Si tout est illusion, songe menteur, nul n’abattra mon courage avec des tours d’adresse ; et si c’est réalité, l’engagement est téméraire, de prétendre apaiser la colère du ciel. — Non ! Songe ou réalité, je n’ai plus qu’une ambition, c’est de le vaincre ou que tu me vainques ; et si, dans sa miséricorde, le ciel, peut-être, cherche mon cœur, qu’il le cherche donc plus franchement et plus généreusement ! La statue de ce tombeau m’a invité à venir chercher une preuve plus sûre de la vérité dont j’ai obstinément douté… Me voici donc ; commandeur, réveille-toi.