Page:Zorrilla - Don Juan Tenorio, trad. Curzon, 1899.djvu/236

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DON JUAN

Bien tard, la lumière de la foi pénètre en mon cœur, puisque ma raison ne voit mes crimes qu’à sa seule lumière. Je les vois !… et avec une horrible angoisse, car, au spectacle de leur multitude, je vois Dieu, en la plénitude de sa colère contre Don Juan. Ah ! partout où je fus, j’ai foulé aux pieds la raison, j’ai raillé la vertu, j’ai bafoué la justice. J’ai corrompu tout ce que j’ai vu, je suis descendu jusqu’aux chaumières, je suis monté jusqu’aux palais, j’ai forcé les cloîtres ; et puisque telle fut ma vie, non, il n’est pas de pardon pour moi. — Mais quoi, vous êtes encore ici (aux fantômes), avec cette opiniâtre tranquillité ! Laissez-moi mourir en paix, seul avec mon agonie. Mais avec ce sang-froid horrible, que me présagez-vous, ombres farouches ? Qu’attendez-vous de moi ?

LA STATUE

Que tu meures, pour emporter ton âme. — Maintenant adieu, Don Juan : déjà ta vie touche à sa fin ; et puisque tous les avertissements ont été inutiles, donne-moi la main, comme marque d’adieu.

DON JUAN

Me montres-tu donc de l’amitié, à cette heure ?

LA STATUE

Oui ; car je fus injuste avec toi, et Dieu m’ordonne de redevenir ton ami, pour l’éternité.