Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/144

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haine, méfiance et hostilité. Mais c’est la grandeur de Verhaeren que, par une vue large, il parvienne à découvrir, au delà de l’hostilité, de la douleur et des tourments, jaillissante parmi les vapeurs angoissantes de l’inesthétique, la flamme d’une beauté nouvelle. Pour la première fois, se trouve ici dégagée la beauté des fabriques, des « usines rectangulaires », la fascination des gares, et toutes les beautés inconnues des choses neuves. Si, dans sa débauche, elle est laide, si elle paraît telle au regard de tout idéal classique, si son image est faite de cruauté et de terreur, la ville n’est cependant pas inféconde. « Le siècle et son horreur se condensent en elles, mais leur âme contient la minute éternelle[1]. » Et c’est ce sentiment qu’elle participe à l’éternité qui fait son importance et sa magnificence ; c’est parce que, au-dessus de tout le passé, elle est la nouveauté, la nouveauté vis-à-vis de laquelle l’accord est inéluctable. Certes, sa forme est affreuse, sa couleur grise est sombre ; mais l’idée qui domine son organisation est grandiose et admirable. Et — ici comme toujours — l’admiration qui trouve

  1. « Les Villes » (les Forces tumultueuses).