Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/160

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l’atmosphère de la grande ville. Cet homme sent douloureusement peser sur lui les lourdes murailles, il souffre de l’éloignement de la nature ; mais il trouve dans l’omniprésence humaine à se créer une énergie, une divinité nouvelles. Le plus grand mérite que possède la masse, c’est de pouvoir accélérer les transvaluations. Tout l’élément individuel disparaît au profit de la communauté qui se constitue ainsi en tant que personnalité. Les anciennes communautés se disloquent pour en voir jaillir de nouvelles. L’Amérique en est le premier exemple. Là, en cent ans, faite des forces de mille peuples divers, s’est développée une fraternité, grandiose et une ; un type s’est créé : le type américain. Déjà dans nos capitales, à Paris, à Berlin, à Londres, grandissent des générations d’hommes qui ne sont plus des Français ni des Allemands, mais avant tout des Parisiens et des Berlinois. Ils ont un accent à eux, des façons de penser particulières : pour eux, la grande ville est devenue une patrie. Si l’un d’eux est poète, son poème sera social ; est-il penseur, son intelligence et son instinct se confondront avec ceux de la masse. Avoir tenté, pour la première fois, l’analyse poétique de la psychologie de cette foule