Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/176

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les sonorités, à toutes les fortes excitations, sont tour à tour brusques, coléreux et surexcités.

Oh ! les rythmes fougueux de la nature entière
Et les sentir et les darder à travers soi !
Vivre les mouvements répandus dans les bois,
Le sol, les vents, la mer et les tonnerres ;
Vouloir qu’en son cerveau tressaille l’univers ;
Et pour en condenser les frissons clairs
En ardentes images,
Aimer, aimer, surtout la foudre et les éclairs
Dont les dévorateurs de l’espace et de l’air
Incendient leur passage ![1]

Mais ce qui est la trouvaille de Verhaeren, c’est d’avoir transformé en rythme poétique, non seulement les voix de la nature, mais aussi les bruits du nouvel ordre de choses, le tumulte des villes, le sourd grondement des fabriques. On peut y entendre le heurt du marteau, le murmure dur et régulier des roues, le ronflement des métiers, le sifflement des locomotives. Avant lui les poètes se plaisaient à faire passer dans l’harmonie de leurs vers la monotonie des sources, dont l’eau chante en s’égrenant sur les roches, ou la voix susurrante du vent. Mais lui laisse la parole aux choses neuves : dans le nouveau poème, c’est le rythme de la ville qui dé-

  1. « L’En-Avant » (les Forces tumultueuses).