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borde, ce rythme de fièvre et d’agitation, cette trépidation nerveuse de la foule, ce flot incessant d’une mer qui monte et qui frappe les anciens rivages. De là cette allure des lignes qui tantôt montent et tantôt descendent, cette soudaineté inattendue, cet imprévu. Les bruits nouveaux de l’industrie sont ici transformés en musique et en poésie.

Renonçant à n’exprimer que des sentiments individuels, pour n’être plus que le porte-parole de la foule, le rythme s’amplifie et s’agite davantage : ce n’est plus celui d’un seul homme. Les premiers poètes se servaient de mots encore vierges ; chacune de leurs paroles et chacun de leurs cris exprimaient le sentiment dans sa plénitude, jusqu’à l’explosion. Ils découvraient eux-mêmes, en s’exaltant, la souffrance, le mal, le plaisir, le bien ; ils

Confrontaient à chaque instant
Leur âme étonnée et profonde
Avec le monde.[1]

Mais les poètes qui veulent être modernes doivent confronter leur âme avec l’âme collective. Leur plus vif désir doit être de trouver non seulement leur expression personnelle, mais chercher

  1. « Le Verbe » (la Multiple Splendeur).