Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/178

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— plus loin qu’elle encore — à représenter poétiquement et musicalement une parfaite identité entre eux-mêmes et leur temps. Car les poètes sont les dépositaires d’un grand patrimoine.

… En eux seuls survit, ample, intacte et profonde
L’ardeur
Dont s’enivrait, devant la terre et sa splendeur,
L’homme naïf et clair aux premiers temps du monde,
C’est que le rythme universel traverse encor
Comme aux temps primitifs leur corps.[1]

Dès lors, ils n’ont plus qu’à se raconter eux-mêmes, lorsqu’ils sont parvenus à adapter le battement de leur cœur à celui de l’univers, au rythme des villes qu’ils habitent, au rythme des foules qui depuis leur enfance les entourent, au rythme enfin des choses temporelles comme à celui des choses de l’éternité.

Ils doivent être le cœur du monde, cœur qui bat à chaque coup du grand marteau et qui suit chaque excitation, chaque accélération et chaque arrêt du sentiment inondant tout l’organisme. C’est de leur vie que les poètes doivent apprendre leur rythme, grâce auquel ils reconquerront l’harmonie perdue qui jadis existait entre le monde et l’œuvre d’art.

  1. « Le Verbe » (la Multiple Splendeur).