Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/212

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qu’une impression sensorielle ; elle a donné naissance à un enthousiasme éthique toujours croissant, jusqu’à ce que, selon l’évolution de la vision, se dégage une nécessité morale et métaphysique. Cet essor du sentiment individuel vers le sentiment cosmique est le processus fondamental du poème verhaerenien. Pour en rendre la forme plus sensible, il faudrait donner de sa nature une expression géométrique : ces poèmes sont, en quelque sorte, de forme parabolique. Tandis que l’ordinaire poème lyrique se présente en général sous l’aspect régulier et harmonique du cercle, étant un simple retour en soi-même, le poème verhaerenien est une véritable parabole, irrégulier qu’il est au premier abord, mais soumis cependant à une loi. D’un élan rapide, il s’élève, va de la terre aux nues, du réel au virtuel, puis, à cette incroyable altitude, il redescend subitement sur le sol. L’enthousiasme ravit l’impression aux constatations pittoresques pour l’élever du simple spectacle sans passion à cette vertigineuse hauteur où rayonnent toutes les possibilités, délaissant toute considération sensible pour la spéculation métaphysique. Soudain, de la façon la plus inattendue, cette impression est ramenée sur le terrain de la réalité.