Et, en vérité, la musique de ce poème ne peut-elle se comparer à une pierre qu’on lance, qui ébranle les airs de son murmure continu pour retomber brusquement ? Et dans le rythme ne trouve-t-on pas aussi cette vitesse qui va s’accélérant, cette aspiration et ce retour à soi-même, durant lequel semble méditer la force de pesanteur qui revient à la terre ?
Disons maintenant quelques mots des moyens employés par Verhaeren pour atteindre la vision, pour traduire la passion dans les phénomènes intérieurs et pour éveiller l’enthousiasme. Examinons d’abord s’il est vrai de dire que Verhaeren soit un artiste au point de vue de la langue. Ses moyens verbaux ne sont nullement restreints. Si, dans ses termes ou dans ses rimes, on peut constater des retours fréquents qui confinent parfois à la monotonie, on remarque chez lui dans l’emploi du mot une étrangeté, une nouveauté, un inattendu qui sont presque sans exemple dans la lyrique poésie française. Une langue ne s’enrichit pas uniquement de néologismes. Un mot peut acquérir une vie nouvelle en prenant une place et un sens qu’il n’avait pas, par une transvaluation de sa signification, comme fit Rainer Maria Rilke dans la poésie