Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/218

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le regard. Verhaeren, comme nul autre, a su trouver de telles images ; les nuances, il semble les dédaigner et son brutal instinct d’homme fort n’aime que l’éclat et la franchise du coloris. « La couleur, elle est dans ses œuvres une surprise de métaux et d’images[1]. » La haute flambée de ses images illumine, comme des éclairs, les horizons à l’infini. Je rappellerai seulement les « beffrois immensément vêtus de nuit », ou « la façade paraît pleurer des lettres d’or », « les gestes de lumière des phares ». Par l’intensité de telles images Verhaeren porte dans l’expression du sentiment une clarté vraiment extraordinaire. « Personne, je crois, ne possède à l’égal de Verhaeren le don des lumières et des ombres, non point fondues, mais enchevêtrées, des noirs absolus coupés de blanches clartés[2]. »

Si le tempérament de l’écrivain se montre unilatéralement développé, il en résulte pour lui un exclusivisme artistique qui présente un avantage de même sens. Verhaeren ne se soucie pas de l’écriture artiste au sens courant du mot : il ne cherche pas toujours la comparaison unique

  1. Albert Mockel, Émile Verhaeren.
  2. Ibid., idem.