Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/219

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et nécessaire ; il ne se défend pas de se répéter dans l’abondance et ne s’ingénie pas à employer, pour ainsi dire, chaque mot pour la première fois. Son vocabulaire poétique est riche, mais pas jusqu’à l’infini ; la puissance réceptive de sa sensibilité n’est point sans limites. Pour lui, comme pour tout poète de la passion, les impressions parvenues à leur paroxysme n’ont pour termes de comparaison que les éléments de la nature : le feu, la mer, le vent, le tonnerre et l’éclair. Elles finissent même par s’identifier avec eux. Pour nous expliquer plus clairement, disons que, si Verhaeren est un écrivain artiste, ce ne saurait être dans le sens de Gœthe, mais dans celui de Schiller. Ainsi que Schiller, en effet, il a le don de pouvoir formuler en une ligne l’expression lyrique définitive de certaines de nos connaissances. Il a su mettre en formules poétiques l’essence du sentiment vital. Ces formules ont eu ou auront la plus heureuse fortune : qu’il me suffise de rappeler des expressions comme « les villes tentaculaires » qui sont en France entrées dans le langage courant, comme « la vie est à monter et non pas à descendre », comme « toute la vie est dans l’essor ». Toute l’extase lyrique est concentrée dans ces courtes phrases qui sont comme