Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/23

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en déterrer de vieilles statues grecques. Cela ne fait point qu’ils soient sans valeur, mais s’ils nous ont parfois apporté une œuvre d’importance, jamais ils ne nous ont donné le nécessaire.

Celui-là seul parmi les poètes sera vraiment utile à ses contemporains, qui sera impérieusement inspiré par la beauté et la nécessité des choses contemporaines. Cet homme, ce poète mettra tout son effort à accorder sa sensibilité à celle des hommes qui l’entourent ; le rythme de ses poèmes ne serait autre que l’écho de celui de la vie universelle ; le battement de son cœur scanderait la course vertigineuse de toute notre époque, et notre propre sang coulerait dans ses artères. Qu’il ne méprise point pourtant tout de l’idéal ancien, surtout s’il veut en créer un nouveau : tout véritable progrès implique la collaboration intime du passé. Pour ce poète, le progrès doit être, comme dit Guyau, « le pouvoir, lorsqu’on est arrivé à un état supérieur, d’éprouver des émotions et des sensations nouvelles, sans cesser d’être encore accessible à ce que contenaient de grand ou de beau ses précédentes émotions[1] ».

  1. Guyau, l’Esthétique contemporaine.