Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/232

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un drame national. Déjà Charles de Coster, dans son Ulenspiegel, l’éternelle épopée de la Flandre, avait vu en Philippe II, avec toute la haine mortelle d’un vrai Flamand, l’ennemi héréditaire de la liberté. C’est la même haine qui pousse Verhaeren, devenu par Toute la Flandre le chantre lyrique de son pays, à peindre dans sa tragédie cette sombre figure. Ici, comme dans Ulenspiegel, Philippe II apparaît le souverain dur et inflexible qui veut éteindre la flamme de la vie, trop ardente pour lui, et rendre le monde marmoréen et froid comme les appartements de son Escurial. Voici, subitement révélé, l’envers du catholicisme, dont le Cloître avait immortalisé l’ardeur : le voici, impitoyable et ascétique, tendu de toutes ses forces volontaires contre l’irréfragable joie de vivre. Quant à don Carlos, c’est l’enthousiaste ami de la foule, l’amant de la Flandre, qui ne veut que jouissance, franchise et passion. Les personnages symbolisent cette lutte entre les deux pôles extrêmes de l’existence, positif et négatif, cette même lutte qui détermina la crise lyrique de Verhaeren, ce combat entre la négation et l’affirmation passionnée de la vie, qui fut la cause profonde de la guerre entre l’Espagne et les Pays-Bas.