Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/233

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Certes la comparaison de ce Philippe II, si grandiose et si inégal au point de vue dramatique, avec le Don Carlos de Schiller paraît au détriment de l’œuvre de Verhaeren. Mais ce que Verhaeren voulait montrer, ce n’est point l’homme dans toute la plénitude de son être, mais surtout la lutte de ces deux sentiments : l’enthousiasme de la vie et son oppression farouche. Ce rapprochement avec le drame de Schiller fait clairement apercevoir, en même temps que l’inobservance des lois dramatiques, une puissance lyrique, formidable et nouvelle. L’Espagne est peinte ici avec une force et une intensité de vision à peine rencontrées jusqu’ici dans les autres drames. On respire véritablement cette atmosphère de froideur et d’hypocrisie, et c’est dans les scènes muettes, mieux qu’à travers toutes paroles, qu’on voit nettement le caractère de Philippe II. Quelle apparition que celle de cette scène où, soudain marchant sur la pointe des pieds, il vient écouter son fils dans les bras de la princesse, et où, silencieux, sans le moindre éclair en son œil fixe, sans aucune manifestation de colère, il disparaît, comme il était venu, dans l’obscurité. Mais derrière lui, qui écoute et qui épie, glisse une deuxième ombre, le moine de