Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

désintéresser d’elle. Et Verhaeren fait ici sienne la grande idée des Grecs, qui voulaient que tout ce qui, sur terre, dépasse la commune mesure — toute fortune trop grande, toute beauté surnaturelle — soit poursuivi par l’envie des dieux et nécessite une rançon douloureuse. Ce n’est pas un avantage heureux qu’une beauté trop parfaite, mais un véritable don tragique. Et à peine Hélène, de retour au foyer, se livre aux douceurs du repos et se croit enfin semblable aux autres femmes, que des nuages nouveaux s’amoncellent sur sa tête. Son propre frère la convoite, ainsi qu’Électra son ennemie. À cause d’elle son époux trouve la mort, et voici qu’encore cet effroyable désir de posséder sa chair va embraser les hommes et les jeter les uns contre les autres. Alors elle s’enfuit, loin de tous, au sein des forêts. Et, de nouveau, Verhaeren, dans une vision géniale, se rapproche du sentiment grec. Cette forêt pour elle n’est pas inanimée ; elle vit, de cette vie qui ne s’arrête pas aux êtres humains : des buissons sortent les Faunes ; des rivières, les Naïades ; des collines descendent les Bacchantes. Tout assiège Hélène, désespérée de séductions et d’ardeurs, jusqu’à ce qu’enfin elle se réfugie près de Zeus, dans la mort.