Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/238

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Ce qu’il y a de caractéristique chez Verhaeren, c’est qu’il ait fait de cette tragédie d’Hélène, qui paraît être la tragédie de l’amour, quelque chose, si je puis dire, d’anérotique, ou mieux d’anti-érotique. Peut-être faudrait-il attribuer le peu d’intérêt généralement porté aux drames de Verhaeren — et même dans une certaine mesure à toute son œuvre — à ce fait que, comparativement aux autres poètes de ce temps, il semble s’être tenu éloigné de tout érotisme. Ce n’est que maintenant, dans son âge mûr, qu’il commence à s’intéresser en artiste à ce problème. Toujours c’est dans les choses purement spirituelles, dans l’enthousiasme et dans l’admiration, que Verhaeren a dépensé toute la passion que les autres ont prodiguée dans les choses de l’amour. Dans son drame, la femme ne joue qu’un rôle subalterne : le Cloître même est peut-être la seule pièce contemporaine de valeur qui ne nous montre aucun personnage féminin. Aussi ses intentions dramatiques s’éloignent-elles énormément des préoccupations qui sont couramment celles du public. Verhaeren cherche à dégager d’un conflit strictement intellectuel cette hauteur et cette ardeur de passion qui ne se rencontrent d’ordinaire que dans les sentiments de l’amour.