Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/239

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C’est pourquoi l’exaltation du poète laisse froids et indifférents la plupart des auditeurs. La généralité de ceux qui vont aujourd’hui chercher l’art au théâtre n’ont en eux qu’indolence et médiocrité. Ils sont incapables de se laisser emporter, par un problème purement moral, à un tel degré d’excitation : leur sensibilité se dérobe à ces extases si chaleureuses, à ces frémissements, à ces éblouissements perpétuels. C’est seulement ainsi qu’on peut expliquer la résistance du public aux drames de Verhaeren, car ils sont pleins de beautés, de situations vivantes et dramatiques, et ils contiennent avant tout une admirable nouveauté : ce style dramatique, neuf et passionné.

Déjà cette prose qui s’enflamme peu à peu jusqu’à devenir des vers constitue une complète originalité ; mais encore toute l’intention dramatique diffère, chez Verhaeren, de celle de nos autres auteurs. Son but n’est ni de nous intéresser, ni d’engendrer en nous la terreur et la pitié : il ne veut qu’exciter l’enthousiasme. Il ne prétend pas occuper ses auditeurs au théâtre ; il veut les emporter dans son rythme. Il veut leur verser l’ivresse avec de grandioses excitations, parce que seul un spectateur enthousiasmé peut