Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

laissé par les réalités soumises à ce feu intérieur. Dans sa jeunesse et pendant son âge d’homme, Verhaeren a mis dans son œuvre une ardeur intense, effrénée, pareille à une flamme haute et libre. Dans les œuvres du quinquagénaire, il semble que la passion se soit apaisée et que seul persiste le désir d’atteindre le but de cette passion et de dégager la loi intérieure de cette agitation. L’enthousiasme immédiat que lui apporte la combustion elle-même, c’est-à-dire la transformation des données extérieures en visions poétiques, ne peut plus lui suffire dès l’instant qu’il y manque le résidu philosophique de la connaissance. En effet, on ne peut admettre qu’il soit possible de considérer le présent avec une certaine profondeur si l’on se refuse à en franchir les limites. Tout état présent contient en même temps son existence antérieure et son devenir. On ne peut concevoir un présent si absolu qu’il ne soit si intimement lié au passé et à l’avenir. Toute manifestation présente un caractère constant d’éternité, dès qu’on l’envisage du côté intérieur. À présent que le poète délaisse l’extériorité pittoresque du monde pour tourner sa vision en lui-même, vers la psychologie, à mesure qu’à travers les contingences