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de la science, qui leur semblait exclure le lyrisme : Verhaeren l’a chantée comme la manifestation la plus noble de la vie. Il n’ignore pas en effet que tout se métamorphose sans cesse, que « ce qui fut hier le but est l’obstacle demain[1] », et qu’inversement l’obstacle d’aujourd’hui sera le but de la génération prochaine. Il a dégagé la puissance poétique des conceptions où s’est marqué, dans ces dernières années, au sein des cités nouvelles, le mouvement architectonique. Il a compris les grands magasins comme de vastes entrepôts pour la vie intellectuelle, comme des réserves nouvelles de forces pour les diverses manifestations artistiques, ainsi que furent jadis les cathédrales. Dans la fumée des grandes villes, il a vu, pour les peintres, des colorations nouvelles, pour les philosophes, des problèmes qui ne s’étaient pas encore posés. Il a prévu que les choses dont la grandeur nous semble aujourd’hui sans attrait se révéleraient bientôt à nous dans leur harmonique beauté. L’enthousiasme pour les forces inconnues triomphe, chez Verhaeren, de la résistance que lui oppose le respect de la tradition. Il a rendu service à notre époque en reconnais-

  1. « L’Impossible » (les Forces tumultueuses).