Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/319

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Et l’on se dit les simples choses :
Le fruit qu’on a cueilli dans le jardin ;
La fleur qui s’est ouverte,
D’entre les mousses vertes,
Et la pensée éclose, en des émois soudains,
Au souvenir d’un mot de tendresse fanée
Surpris au fond d’un vieux tiroir,
Sur un billet de l’autre année.[1]

La profondeurs des sentiments, la reconnaissance, le don de soi s’adressent ici à l’unique élue. Dans les autres poèmes, le monde entier y avait part. Verhaeren en effet a connu la faveur d’une incessante réceptivité, d’une grâce continuelle. Son merveilleux élan que rien n’arrête, sa joie perpétuellement jaillissante — qui est tout le secret de son art — concourent ici à l’expression de son amour et de sa reconnaissance. Ainsi qu’Orphée, vainqueur de l’Enfer, montait vers Eurydice, le poète malade, levant ses mains jointes, s’élève vers la femme aimée qui l’a sauvé des affres de l’obscurité. Sans cesse il lui est reconnaissant de la bonté des heures qu’il lui doit ; toujours le souvenir de leur première rencontre lui revient aux lèvres ; il ne

  1. « C’est la bonne heure où la lampe s’allume » (les Heures d’après-midi).