Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/320

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peut oublier ces jours heureux qui ont ensoleillé sa vie :

Avec mes sens, avec mon cœur et mon cerveau,
Avec mon être entier tendu comme un flambeau
Vers ta bonté et vers ta charité,
Je t’aime et te louange et je te remercie
D’être venue, un jour, si simplement,
Par les chemins du dévouement,
Prendre en tes mains bienfaisantes, ma vie.[1]

Comme agenouillés et les mains jointes sont ces vers.

Les Heures d’après-midi, ce deuxième volume de la trilogie, est peut-être le plus beau et le plus caractéristique. Car le sentiment amoureux s’y élève à une beauté morale, à une profondeur d’impression qu’on ne peut puiser que dans la plus noble expérience de la vie. Écrit après quinze années de mariage, ce livre ne révèle pas un amour moins ardent. Ce fut en effet une règle constante pour Verhaeren que de ne jamais laisser ses sentiments se refroidir et s’appauvrir, mais de les aviver sans cesse. Ainsi son amour, loin de s’attiédir, se fait plus fort et plus sublime ; il triomphe de cet obstacle redoutable : l’habi-

  1. « Avec mes sens, mon cœur et mon cerveau » (les Heures d’après-midi).