Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/339

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notre sensibilité, sans avoir jamais partagé les sentiments qui nous animent. Verhaeren s’élève au-dessus de l’enthousiasme ou du mépris de ses contemporains et se tourne vers les générations futures :

Celui qui me lira dans les siècles, un soir,
Troublant mes vers, sous leur sommeil ou sous leur cendre,
Et ranimant leur sens lointain pour mieux comprendre
Comment ceux d’aujourd’hui s’étaient armés d’espoir,
Qu’il sache, avec quel violent élan, ma joie
S’est à travers les cris, les révoltes, les pleurs,
Ruée au combat fier et mâle des douleurs,
Pour en tirer l’amour, comme on conquiert sa proie.[1]

L’idée très haute qu’il s’est faite de son devoir l’a conduit à ne rester indifférent à aucune manifestation de l’activité de notre époque : car nos descendants, il le sait, tiendront à connaître les impressions que nous produisit, à un moment où elle nous semblait mystérieuse et pleine de périls, telle transformation à laquelle leur esprit sera parfaitement accoutumé. Verhaeren a voulu satisfaire cette curiosité.

Le véritable poète de notre temps doit décrire les malaises et les troubles de notre évolution

  1. « Un soir » (les Forces tumultueuses).