Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/85

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pagne et l’Allemagne. Une force d’attraction impétueuse l’avait précipité vers toutes les grandes idées, vers les formes nouvelles, les innombrables conceptions de l’existence. Sans trêve, des expériences de toute sorte s’offrent infatigablement à lui et l’accablent. Mille impressions l’abordent et réclament chacune une réponse. Les grandes villes ténébreuses déchargent toute leur électricité vers lui, et ses nerfs se chargent d’étincelles. Sur sa tête, les nuages des cités assombrissent le ciel. À Londres, il erre comme dans une forêt perdue. Cette ville, grise de brouillard, bâtie, semble-t-il, en acier, répand toute sa mélancolie dans l’âme du poète étranger qui y vit isolé, ignorant la langue, sentant grandir sa solitude d’autant que lui restent incompréhensibles les manifestations de toute cette nouveauté qui compose la vie des grandes cités. Il ne sait pas encore capter la poésie qui est en elles. Il ne comprend pas, et il ne lui en demeure que la sensation confuse et douloureuse d’une attaque qui pénètre. Mais cette nouvelle ambiance ne tarde pas à affiner ses nerfs. Déjà le plus léger contact avec le monde extérieur suscite de sa part une réaction frémissante. Chaque bruit, chaque