Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/86

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couleur, chaque pensée entre en lui comme des pointes d’aiguilles. Tout son organisme est miné. Sa sensibilité, si saine, s’hypertrophie. Comme il arrive souvent dans le mal de mer, il a cette finesse d’ouïe par laquelle les nerfs ressentent tout bruit — même le son le plus léger — comme un coup de marteau ; l’odeur la plus ténue le corrode comme un acide ; tout rayon lumineux le brûle comme une pointe de métal chauffée à blanc. À ce malaise psychique vient s’ajouter et correspondre une souffrance physique. Verhaeren fut alors atteint d’un mal d’estomac nerveux, par une de ces répercussions du moral sur le physique où l’on ne saurait dire si les douleurs stomacales provoquent l’état neurasthénique ou si c’est le surmenage des nerfs qui cause l’arrêt des fonctions digestives. Intérieurement, les deux maladies sont coordonnées : l’organisme s’oppose aux impressions de l’extérieur et se refuse à la conversion chimique. De même que, pour l’estomac, l’ingestion d’un corps étranger aux aliments fait naître une sensation de douleur, de même, pour l’oreille, chaque son provoque la gêne et la répulsion, et, pour l’œil, toute perception engendre une souffrance. Ce fut un véritable cas patho-