Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ce froid : il en a presque le désir nostalgique. Personne ne lui parle ; les rues ne sont hantées que par le vent hurlant sans cause comme les chiens autour de la maison. Lorsque apparaissent parfois des rêves, ils revêtent un certain caractère Fleurs du Mal. Ils surgissent, de toute cette glace, brûlants, jaunes, empoisonnés. Les jours, de plus en plus, se font monotones, effroyables, et, ainsi que des gouttes d’eau lourdes et noires, finissent par tomber.

Mes jours plus lourds s’en vont roulant leur cours ![1]

Tout, dans ces vers, depuis la pensée jusqu’à l’onomatopée poétique, exprime l’horreur de ce vide. Le tic-tac de l’horloge frappe en vain dans ce néant sans fin pour mesurer une durée stérile. Les murs s’assombrissent de plus en plus et semblent de jour en jour plus pesants. La solitude, comme un miroir concave, restreint les rêves et les transfigure en d’horribles grimaces. Et, dans le cœur que la paix a déserté, les mauvaises pensées, comme des esprits, s’entretiennent l’une l’autre.

La lassitude, ainsi qu’un brouillard, s’étend sur l’âme, lourde de ses nuages étouffants. C’est

  1. « L’Heure mauvaise » (les Bords de la route).