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LA MÉLANCOLIE ET L'ESPRIT D'ANALYSE 139

examen arrive à décomposer, avec la morbide acuité du scrupule, les nuances de sa vie morale, et, à mesure qu'il les décompose, il creuse en lui les sources de nouvelles souffrances. Cet esprit d'analyse, qui est souvent l'aveu d'exquises déli- catesses, peut devenir un ferment de mélancolie et une cause d'épuisement. A force de se mirer elle-même, notre âme perd le sens de l'action et de l'observation des choses. Une forme de neu- rasthénie s'explique par les délicatesses dépravées de ce narcissisme moral.

Ce mal a envahi les âmes, parce qu'il a vicié l'une des sources les plus abondantes de la littéra- ture moderne. C'est le mal d'Hamlet. Comme tous les mélancoliques du xix siècle, Sully Prud- homme fut d'abord un frère d'Hamlet. Il convient donc de définir cette qualité d'âme qui éveille d'abord nos lucidités, puis nous abandonne dans la tourmente et dans les ténèbres.

Loin de moi le désir d'ajouter mon commen- taire à tant d'autres commentaires sur le person- nage d'Hamlet. Au lieu d'enchevêtrer encore les broussailles de la critique, j'aimerais mieux relire en silence cette œuvre aux mille replis. Ce qui m'attache en ce moment à ce livre, c'est que j'y