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Page:Zyromski - Sully Prudhomme, 1907.djvu/254

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SULLY PRUDHOMME

l’inspiration. Tantôt elle se pare d’un redoublement de syllabes sonores, tantôt elle se réduit à la simple assonance, car il importe qu’elle soit « simple, naïve, éblouissante d’éclat, au seul gré du tact poétique de celui qui la manie ». (Fr. Viélé-Griffin.)

Au nom de l’idée de loi, Sully Prudhomme protesta contre ces innovations en rappelant, le passé de notre poésie et en invoquant les principes de l’acoustique. Il montra que la facture naturelle du vers français « s’est organisée peu à peu, à la longue, non par le caprice de l’oreille, mais par une sélection faite spontanément ». Dans cette élaboration qui se prolonge sur plusieurs siècles, « la volonté réfléchie a eu bien moins de part que l’instinct, c’est-à-dire la préférence organique de l’ouïe ». Notre métrique n’est donc pas une matière pliable à la fantaisie de l’artiste : elle s’impose à nous comme l’expression d’un long travail séculaire auquel ont collaboré le génie des maîtres et le développement spontané des ressources de notre langue. Car notre vers se défend par la gloire même de son passé : il a prouvé qu’il offre aux poètes un instrument d’une souplesse incomparable pour modeler tous les reliefs des choses